lundi 30 janvier 2012

RESTEZ, mais INDIGNEZ-VOUS !


Oui, l’écho considérable suscité par le dernier livre de  J. Moingt, peut être assimilé au fameux indignez-vous de Stéphane Hessel ; son succès en libraire l’atteste, comme la formation de nombreux groupes de lecture sur cet ouvrage (« Croire quand même »), tel celui d’Avignon auquel je participe. Ce phénomène paraît justifié à l’Auteur, car il répond à une prise de conscience lucide, face à une crise, « la plus grave que le christianisme ait connue depuis deux millénaires, parce qu’il s’agit d’une crise de civilisation ».
Cependant, en même temps, je constate que se renforce un processus d’enfermement de l’Institution ecclésiale qui se replie sur elle-même. La Croix (9-01-2012) souligne que Benoit XVI a donné « la priorité aux responsables de la Curie, promus quasi automatiquement au cardinalat. Ce qui explique la vague italienne de ce dernier consistoire ». Et son commentaire ajoute : « ce geste confirme que la tendance à l’internationalisation, mise en place par Paul VI, est pour la première fois inversée. »
Mais, outre le fossé qui sépare l’Église du monde actuel très évolutif, il se creuse aussi un écart grandissant entre les chrétiens laïcs et l’Institution. La désertion de nos Églises, l’atteste, fréquentées essentiellement par des personnes âgées, sauf une petite minorité de jeunes, dont la tendance souvent intégriste renforce encore davantage l’image repoussoir d’une Institution figée. Dans le diocèse d’Avignon, cette coupure générale est encore plus accusée, en raison de l’attitude de son évêque, lequel, loin d’être signe d’unité, exerce une autorité devenue source de souffrance et de division, au sein de son clergé comme des laïcs. Je connais certains qui partent discrètement pour aller vivre ailleurs, dans la société, un engagement d’inspiration chrétienne, d’autres qui s’interrogent avant de se diriger vers des groupes protestants…

vendredi 13 janvier 2012

Pourquoi l'Église ne veut ni ne peut abolir la loi du célibat

Leonardo Boff

"L'homme ne mûrit que sous le regard de la femme et la femme sous le regard de l'homme. L'homme et la femme sont réciproques et complémentaires".

/…Seul un projet de vie éthique et humaniste (ce que nous voulons être) peut donner une direction à la sexualité et la transformer en une force d'humanisation et de relations fécondes.
Dans ce processus, le célibat n'est pas exclu. Il est l'une des options que je préconise. Mais le célibat ne peut pas naître d'une carence d'amour, au contraire, il doit résulter d'une surabondance d'amour envers Dieu qui déborde sur ceux qu'il entoure.
Pourquoi l'Église catholique romaine ne fait-elle un pas de côté et n'abolit-elle pas la loi du célibat ? Parce c'est contradictoire avec sa structure. Elle est une institution totale, autoritaire, patriarcale, hautement hiérarchisée et un des derniers bastions du conservatisme dans le monde. Elle englobe la personne de la naissance à la mort. Le pouvoir conféré au pape, par une conscience citoyenne minimale, est tout simplement tyrannique. Le canon 331 est clair. C'est un pouvoir "ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel". Si nous effaçons le mot Papa et mettons le mot Dieu, cela fonctionne parfaitement. C'est pourquoi on disait : "Le Pape est un petit dieu sur la terre", comme l'affirmèrent de nombreux canonistes. Une église qui place le pouvoir en son centre, ferme les portes et fenêtres à l'amour, à la tendresse et au sentiment de compassion.
Le célibataire est en phase avec ce type d'église, parce qu'elle nie au célibataire ce qui le rend le plus profondément humain, l'amour, la tendresse, la rencontre affective avec les gens , ce qui serait plus facilement rencontré si les prêtres étaient mariés. Ils deviennent totalement disponibles à l'institution qui désormais peut les envoyer à Paris ou en Corée du Sud. Le célibat implique d'ordonner le prêtre totalement au service, non pas de l'humanité, mais de ce type d'église. Il devrait seulement aimer l'Église.
Quand il découvre qu'elle n'est pas seulement "la Sainte Mère Église", mais qu'elle peut être une belle-mère qui utilise ses ministres dans une logique du pouvoir, il est déçu, abandonne le ministère avec le célibat obligatoire et se marie. Tant que cette logique de pouvoir absolu et de centralisation demeure, nous ne devons pas nous attendre à ce que la loi du célibat soit abolie malgré les scandales qui arriveront.ne célibat est très pratique et utile pour elle.
Mais où en est le rêve de Jésus d'une communauté fraternelle et égalitaire ? Eh bien, c'est un autre problème, peut-être le principal. A partir de lui, on situerait différemment la question du célibat et d'un style d'église qui serait plus adéquat avec le rêve du Nazaréen.

Leonardo Boff - Brésil

mercredi 11 janvier 2012

NI CLERC, NI LAIC


Joxe Arregi
Publié dans HLM n°122 (12/2010)
Joxe Arregi est un théologien basque de l’université de Deusto et un religieux franciscain de 58 ans du monastère de Arantzazu. Très critiqué par la Conférence épiscopale espagnole et en particulier par le nouvel évêque ultraconservateur de San Sebastian qui lui a imposé le silence depuis quelques mois, Joxe Arregi vient de décider de quitter son ordre et son ministère « pour permettre aux franciscains et à moi-même de vivre enfin en paix ». Comme à beaucoup d’autres théologiens dans le monde hispanique, ce qu’on lui reproche est de contester l’univocité de l’expression de la foi chrétienne, autrement dit son appel au pluralisme des expressions. Même sa modestie et sa discrétion habituelles ne suffisaient plus à ses supérieurs…Voici sa dernière prise de position bien en phase avec ce qui lui arrive ! (P.C.)
« En cette fête de saint François, notre ami José Arregi nous offre cette réflexion savoureuse qui rappelle en finale l’exemple du “poverello” d’Assise : il ne voulait entre ses frères aucune division basée sur les vœux ou sur l’ordination. 4 octobre 2010. »


J’allais intituler cet article : “Je suis un laïc”. Maintenant que, pour des raisons d’interprétations doctrinales qui n’auraient jamais dû nous mener jusqu’ici, j’ai entamé le double processus d’exclaustration (abandon de la “vie religieuse”) et de sécularisation (abandon du sacerdoce), je voulais commencer mon nouvel état de vie en disant : “Je suis honoré d'être un laïc par la grâce de Dieu. Je me réjouis d’être l’un d’entre vous, l’immense majorité de l’Église”.
Mais je dois immédiatement me corriger. Laïc ? Non, je ne suis pas réellement un laïc ni ne veux l’être, parce que ce terme n’a de sens que par opposition au clergé et signifie toujours qu’on est en situation de perdant. Je ne suis pas laïc ni ne veux l’être, parce que ce nom a été inventé par les clercs – personne ne s’en étonnera : les puissants ont toujours imposé leur langage. Je ne veux pas être laïc, comme si on disait “chrétien inférieur et de deuxième classe, chrétien subalterne”.