Dans nos milieux de chrétiens engagés, il est
de bon ton d’être « critique » : il ne faudrait surtout pas être
surpris en train de « baisser la garde »! Ni se laisser aller à des
espoirs qui risqueraient d’être déçus. Notre souci d’« analyse »
prend le pas sur la confiance et le besoin quasi maladif d’identifier les
problèmes existants nous empêche trop souvent de nous réjouir sans arrière
pensée de ce qu’il peut y avoir de positif dans une situation donnée.
Quel que soit l’inconnu qu’allait nous révéler le « Habemus
papam », l’espérance évangélique qui n’est qu’un autre nom de l’Amour nous
invitait déjà à l’ouverture et à la confiance : Dieu (bien sûr à travers toutes les
médiations bien humaines –et donc faites du meilleur et du pire– des cardinaux
et du conclave) allait continuer d’être présent au
monde et à son Église à
travers le 266e successeur
de Pierre.
Ce nouveau pape a bien sûr
nourri, par de nombreux gestes qu’il a posés dès la première semaine qui a
suivi sont élection, cette espérance spirituelle. Mais il a tout autant, et pas
seulement chez les chrétiens, réjoui des cœurs et suscité des espoirs pour un
autre visage d’Église (et donc de Dieu) offert au monde : un visage de
bonté, d’accueil et de tendresse (trois autres noms de l’Amour). Plein de gens,
dans l’Église et hors de l’Église, ont été touchés par cet homme, son sourire, ses
paroles, ses actes du quotidien : faudrait-il bouder notre plaisir sous
prétexte que ces réactions bien humaines et légitimes relèvent des émotions?
Faudrait-il lever le nez sur la proximité qu’a vécue le cardinal Bergoglio avec
les pauvres et les petites gens et sur l’intérêt qu’il leur a porté sous
prétexte que cela ne s’attaque pas automatiquement aux causes et aux structures
de la pauvreté? Le sourire et la simplicité du pape François sont-ils moins
importants ou significatifs parce que ses relations avec les autorités
argentines durant la guerre sale n’ont pas été aussi prophétiques qu’on
pouvait le souhaiter?
Aucun humain, fût-il pape, ne
peut être à lui seul à la hauteur de tous les espoirs humains (d’autant plus
que nos espoirs ne sont pas nécessairement ceux de tous les autres)! Aucun
pape, aussi saint soit-il, ne peut non plus combler totalement l’espérance qui
est la nôtre, puisque celle-ci aspire à rien de moins que Dieu lui-même et son
Royaume.
Le pape François semble vouloir
démystifier bien des attitudes et des traditions qu’on croyait immuablement
associées à la papauté : tant mieux! Il semble vouloir d’une Église pour
les pauvres : si cela se concrétise, ce serait un énorme changement de
cap! Il veut une Église d’ouverture, de bonté et de tendresse : quel
progrès!
Sera-t-il capable de livrer la
marchandise? Nul ne le sait. Son pontificat sera-t-il assez long pour qu’il
puisse apporter les changements souhaités? Impossible à savoir. Sera-t-il récupéré
ou boycotté par la Curie? Seul le temps nous le dira. Répondra-t-il à tous nos
souhaits et désirs légitimes? À cela, au moins, on peut déjà répondre
« non » sans aucun risque de se tromper!
Mais cela n’enlève absolument rien à la joie d’avoir un pape
François qui ouvre des portes, secoue les traditions et donne enfin un certain
visage humain, et donc limité, à une fonction à la fois spirituelle et
humaine : la papauté en ce début du XXIe siècle.
Extrait d’un texte de Dominique Boisvert - RFAN - 1 avril 2013
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