Comme aucun pape avant lui, François se confronte à la question douloureuse
des catholiques qui ont quitté l’Eglise, phénomène attesté en Amérique Latine,
mais qu’ont connu tous les pays, notamment européens, depuis une cinquantaine
d’années. Il évoque ainsi “le mystère difficile de ceux
qui quittent l’Église” et se laissent séduire par d’autres
propositions.
Cette question largement taboue est l’occasion d’une autocritique sévère
: “Peut-être l’Église est-elle apparue trop
faible, peut-être trop éloignée de leurs besoins, peut-être trop pauvre pour
répondre à leurs inquiétudes, peut-être trop froide dans leurs contacts,
peut-être trop autoréférentielle, peut-être prisonnière de ses langages
rigides, peut-être le monde semble avoir fait de l’Église comme une survivance
du passé, insuffisante pour les questions nouvelles ; peut-être l’Église
avait-elle des réponses pour l’enfance de l’homme mais non pour son âge
adulte.”
Le pape accuse l’Eglise d’apparaître tellement
exigeante dans ses “standards” qu’elle décourage d’emblée les gens. “Beaucoup ont cherché des faux-fuyants parce que la
"mesure" de la Grande Église apparaît trop haute. Beaucoup ont pensé
: l’idée de l’homme est trop grande pour moi, l’idéal de vie qu’elle propose
est en dehors de mes possibilités, le but à atteindre est inaccessible, hors de
ma portée.”
Une Eglise ennuyeuse, rigide, froide, nombriliste ! Jamais Benoit XVI et
Jean-Paul II n’ont fait pareille autocritique. Bergoglio lui, n’a pas peur de
dire sa vérité en pensant à tous ces éloignés :“Face à cette situation, que faire ? Il faut une Église qui n’a pas peur de
sortir dans leur nuit. Il faut une Église capable de croiser leur route. Il
faut une Église en mesure de s’insérer dans leurs conversations. Il faut une
Église qui sait dialoguer avec ces disciples” désenchantés et qui considèrent
désormais le Christianisme “comme un terrain stérile, infécond, incapable de
générer du sens. (...) Aujourd’hui, il faut une Église en mesure de tenir
compagnie, d’aller au-delà de la simple écoute.”
Le pape n’hésite pas non plus à évoquer un autre sujet
taboudans l’institution : la place des femmes : “Ne réduisons
pas l’engagement des femmes dans l’Église, mais promouvons leur rôle actif dans
la communauté ecclésiale. En perdant les femmes l’Église risque la stérilité.” Même si la mention est
lapidaire, c’est la première fois qu’un pape reconnaît que l’Eglise a perdu une
part de sa crédibilité auprès des femmes.
La solution, passe, d’une part pour le pape, par l’exercice de la
maternité de l’Eglise, c’est à dire l’exercice de la miséricorde. “Celle-ci engendre, allaite, fait grandir, corrige, alimente, conduit
par la main… Il faut alors une Église capable de redécouvrir les entrailles
maternelles de la miséricorde. Sans la miséricorde il est difficile aujourd’hui
de s’introduire dans un monde de "blessés" qui ont besoin de
compréhension, de pardon, d’amour.” Dans ce domaine, il y a des progrès à
réaliser :“Dans un hopital de campagne, l’urgence
est de panser les plaies”.
L’autre dimension est l’empathie affective et la
proximité : “Je voudrais que nous nous
demandions tous aujourd’hui : sommes-nous encore une Église capable de
réchauffer le cœur ?"
Jean Mercier
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