Dans tout son comportement, dans toutes ses paroles, Jésus a toujours fait passer le souci de l’humain avant la loi, même considérée comme divine. Pour lui, soigner un malade était plus important que respecter la règle du sabbat. Pour lui, prendre en considération une femme adultère et l’aider à revoir sa vie correspondait à sa manière d’être avec les gens, ce n’était pas de la condamner selon la rigueur de la loi.
Concernant le mariage aurait-il néanmoins édicté une loi inflexible faisant fi de toutes les situations particulières au point qu’il considèrerait aujourd’hui le mariage religieux comme indissoluble quoi qu’il arrive, même en cas d’échec insurmontable de la vie commune ? Enjoindrait-il aux conjoints séparés de vivre dans la chasteté pour le restant de leur vie s’ils ne voulaient pas être adultères ?
Il est vrai que la fameuse phrase « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas », qui figure à la fois chez Matthieu (ch. 19) et chez Marc (ch. 10), semble bien attestée.
Mais il faut voir dans quel contexte elle a été prononcée. Jésus répondait à des pharisiens qui lui demandaient s’il était permis à l’homme de répudier sa femme ainsi que la loi de Moïse en reconnaissait le droit. Il s’agissait donc de répudiation et non de divorce et, de plus, d’un droit à répudiation inégalitaire, à la disposition de l’homme et non de la femme. Dans sa réponse, Jésus élève le débat en se référant au récit de la création qui, à la fois, met à égalité l’homme et la femme, appelés à ne faire « qu’une seule chair », et énonce l’idéal du projet créateur : quand on s’aime, c’est pour la vie. Il récuse ainsi la figure de l’homme dominateur et dépourvu d’amour faisant valoir un droit unilatéral à répudier sa femme, et, à l’inverse, il invite à prendre en compte ce qu’il y a de divin dans l’amour (qui est sans doute la capacité de se donner sans retour et de savoir se remettre en question pour renouveler au jour le jour la vérité de son amour).
« Ce que Dieu a uni » ; n’est-ce pas ce qui se révèle ainsi au terme de toute une vie au cours de laquelle ce qu’il y a de divin dans l’amour a travaillé chacun des conjoints pour faire de leur mariage une union réussie, épanouie ? « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » n’est pas un commandement édicté le jour du mariage, c’est au contraire ce que l’on constate par la suite dans la réussite d’une union qui s’est alimentée à l’esprit de l’Évangile, si, tout du moins, l’égoïsme humain —ou les circonstances malheureuses— n’ont pas entraîné une séparation.
Si on essaye de se mettre dans l’esprit de Jésus, cela n’a aucun sens de s’appuyer sur une de ses paroles prise au sens littéral pour en faire une injonction légaliste risquant de broyer des vies ayant connu un difficile échec. Cela ne correspond pas du tout à son esprit tel qu’en témoigne tout l’Évangile. En diverses occasions il s’est approprié cette parole qu’Osée mettait dans la bouche de Dieu : « C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice ». C’est sous le signe de cette miséricorde que le pape François veut placer le synode sur la famille. Il est désolant que des voix s’élèvent au cœur de l’Église pour réclamer d’en rester à une interprétation littérale et légaliste de cette parole du Christ. Jésus a communié dans un tête à tête avec une Samaritaine cinq fois divorcée remariée et aujourd’hui on interdirait une telle communion au nom d’une parole de Jésus mal comprise ?
Guy de Longeaux - juin 2015
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