lundi 17 janvier 2011

Suis-je libre ?

  • Jacques ELLUL
    « La subversion du christianisme »
    Seuil - 1984
    Extraits:




  • Ce que l’homme veut quand il parle de liberté, c’est : ne pas être soumis à un autre, pouvoir faire ses quatre fantaisies et aller où il en a envie. Guère au-delà. Ce qu’il ne veut pas, mais pas du tout, c’est devoir prendre en charge sa vie et être responsable de ce qu’il fait. C’est-à-dire qu’il ne demande en rien la liberté ! /... / il veut surtout le confort et la sécurité dans tous les domaines. Sécurité par la police. Sécurité sur les routes. Sécurité pour la maladie, le chômage, la solitude, la vieillesse…/…/ et cela en échange de la liberté. En effet la liberté peut tout vous donner en vous demandant d’être, sauf la sécurité. La sécurité est toujours et inévitablement payée du prix de la liberté.
    Ce n’est pas vrai que l’homme veuille être libre. Ce qu’il voudrait, ce sont les avantages de l’indépendance, sans avoir aucun des devoirs et des duretés de la liberté. Car la liberté est dure à vivre. La liberté est terrible. La liberté est aventure…/Il n’y a de liberté que dans un contrôle permanent de soi-même et dans l’amour de celui qui m’est proche.
    L’amour suppose la liberté et celle-ci ne s’épanouit que dans l’amour. C’est pourquoi Sade est bien le plus grand menteur de tous les siècles. Ce qu’il a montré et appris aux autres, c’est la voie de l’esclavage sous le discours de la liberté. La liberté ne peut jamais exercer de puissance. Il y a coïncidence entière entre la non-puissance et la liberté. Exactement comme la liberté ne va jamais s’inscrire dans la possession. Ici encore, il y a coïncidence exacte entre la liberté et la non-possession.