samedi 26 juin 2010

Choisir son camp entre l’intelligence et la soumission ?

  • À l’heure où certains courants chrétiens sombrent dans l’anti-intellectualisme au nom d’une émotivité baptisée parfois rapidement de « motion de l’Esprit », le pasteur Laurent Schlumberger, président du Conseil National de l’Église Réformée, a particulièrement bien mis en lumière le rôle de l’analyse critique au cœur même de la démarche de la transmission de la foi chrétienne. Dans le discours prononcé lors de l’inauguration des locaux rénovés de la faculté protestante de théologie de Paris, il analyse ainsi les difficultés des Églises chrétiennes confrontées à ce qu’il appelle « la panne de transmission » : « On attribue souvent une large part de responsabilité dans cette panne précisément à la critique, la critique rationnelle moderne. (…) La critique ferait donc échouer la transmission ; ou encore, la transmission supposerait une attitude acritique. Au point qu’il faudrait choisir son camp, entre l’intelligence et la soumission, la science et l’obscurantisme, l’autonomie et l’hétéronomie, la démarche rationnelle et l’orthodoxie doctrinale. Il faut refuser cette alternative consternante. (…) La critique est au cœur de la transmission telle que nous la concevons ». Pour lui, « le moment Réformateur naît avec le geste et la parole critiques. Le refus qui se mue en attestation, la dissidence, sont constitutifs de l’être protestant » *




  • Cette dimension critique se déploie dans la transmission des savoirs destinée à permettre à chacun de devenir « sujet d’une critique élaborée et assumée ». La pluralité des textes du Nouveau Testament, témoigne « d’une transmission non seulement nourrie, mais suscitée par des critiques en débat, des interprétations en conflit ». D’autre part, la transmission du message évangélique est elle-même une critique adressée au lecteur qui doit consentir à ne pas rester en repos, à l’existence croyante pour éviter qu’elle ne se sclérose, au monde contemporain enfin pour « contester la clôture de la raison sur elle-même. (…) Transmettre, c’est critiquer, parce que c’est poser et garder ouverte la question de la transcendance, qui n’est pas seulement une question individuelle mais aussi une question sociale et politique ».


  • Bernard Ginisty -
    Chronique hebdomadaire diffusée sur RCF Saône & Loire le 26.06.10





  • * - Laurent Schlumberger : La critique et la transmission in Réforme du 3 juin 2010, page 14.

mercredi 16 juin 2010

La baleine et le papillon

  • Je ne demande pas qu’on change l’Église. Je demande qu’elle soit vivante. Je réclame qu’elle reste fidèle à sa mission, qu’elle porte la parole du Christ à nos contemporains, qu’elle témoigne du monde renouvelé par l’Esprit. Il ne s’agit pas de la conserver comme un trésor au risque d’en faire un conservatoire des moeurs d’antan. Il ne s’agit pas de la rafistoler par quelques astuces pour qu’elle survive un hiver ou deux de plus. Il s’agit qu’elle trouve les gestes et les mots qui diront Dieu au monde d’aujourd’hui.
  • Elle est mon Église et il n’est pas question de me désolidariser d’elle. J’assume son histoire avec fierté souvent, avec honte parfois, avec résignation toujours. Je prends tout en elle, le meilleur et le pire, les croisades et les conciles, Alexandre VI et Jean-Paul II, la cour de Rome et les saints. Je crois que cette histoire d’hommes avec ses héros et ses lâches, ses audaces et ses calculs, n’est sainte que par l’Evangile qu’elle porte.

  • Disponible au présent

  • Je lui demande seulement de rester dans l’histoire sans se figer dans l’éternel. Je lui demande de ne pas sacraliser son passé au point d’être indisponible au présent. Je l’implore de renoncer aux réussites mondaines et aux vaines richesses pour ne pas «contrister» l’Esprit qui l’appelle.

  • J’aimerais qu’elle se rende compte qu’il lui faut changer parce que le monde qui est le champ de sa mission change. Il me plairait qu’elle reconnaisse le travail de l’Esprit mieux que les traces du démon. Les nouveautés ne sont pas forcément des valeurs qui se perdent mais souvent aussi des « signes des temps », prémices du Royaume. Il faut qu’elle. ouvre les portes de l’espérance au lieu de cultiver les archives de la nostalgie.

  • Elle a inventé l’école pour tous. Elle a appris aux hommes à lire et à écrire. Elle a voulu que l’homme grandisse, mais elle s’affole aujourd’hui parce que son discours ne passe plus. Son «catéchisme » peut être aussi riche et cohérent que possible, mais des hommes adultes n’attendent plus un catéchisme. Ils souhaitent qu’on écoute leurs questions avant de leur donner des réponses. Ils préfèrent dialoguer avec Dieu plutôt qu’on leur parle de Lui.

  • Elle a dénoncé les mariages d’intérêts, les unions arrangées par les parents. Elle a défendu la liberté des époux et promu l’amour au coeur du couple. Mais elle est toute surprise aujourd’hui qu’on n’accepte plus la triste fidélité hypocrite d’autrefois. La Bible nous parle pourtant d’une alliance d’amour en permanence trahie et en permanence renouvelée.

  • Le parti des pauvres

  • De tout temps la grandeur de l’Église a été de prendre le parti des pauvres. Même quand elle ne savait pas apporter la justice elle consolait par sa charité. Aujourd’hui encore des chrétiens sont présents dans la recherche d’une politique plus juste et dans les urgences caritatives. C’est là qu’on comprend le Christ. C’est là qu’on attend ses disciples. Mais les médias s’amusent à ne voir l’Église qu’à travers un pontife jouant au dernier monarque absolu, dans un cérémonial d’un autre âge, loin des problèmes de fins de mois de leur public.

  • Un cri comme celui-ci, vers qui le faire entendre ? Une prière comme celle-ci, vers quel saint l’adresser ? A quelle adresse poster le courrier ? Ya-t-il une chance de changer quelque chose ? La lourdeur de l’administration vaticane - ce n’est pas un mammouth mais une énorme baleine échouée sur le sable - donne l’impression que rien ne peut la réveiller. Mes mots ne feront pas plus de bruit que l’aile d’un papillon sur le dos du cétacé. Mais, après tout, on sait qu’un vol de papillon dans l’hémisphère sud peut engendrer une tempête dans l’hémisphère nord. Et puis il y a beaucoup de papillons. Et puis dans le vent qu’ils font souffle aussi l’Esprit. Pourquoi ne seraient-ils pas capables de réveiller la baleine : une grande marée et un petit ouragan et la voilà remise à l’eau, légère et vivante !
  • Mgr Jacques Noyer,
    Évêque émérite d’Amiens

dimanche 6 juin 2010

La condition féminine...dans l'Eglise primitive

  • Au cours des premiers siècles, la femme joua dans l’Eglise un rôle tout autre que celui auquel nous avons été habitués depuis lors. En ce temps là, il lui était par exemple encore possible d’intervenir comme prophétesse, sans provoquer aussitôt un mouvement de réaction. L’évangéliste Philippe avait quatre filles qui parlaient en prophéties (Ac 21, 8s.) - et cela évidemment pas en chambre, mais devant toute l’assemblée réunie. En 1 Co 11, 5-16 s., Paul présuppose également comme indiscutable l’intervention des femmes dans la célébration, sous forme de discours prophétiques. Il demande seulement qu’elles le fassent «la tête couverte» (en s’adaptant à la parure alors en usage ?). Pour lui, il est au reste évident que l’Esprit répartit à son gré ses dons sur chacun des membres de l’Eglise (1Co 12, 11 )



  • Dans l’Eglise primitive, tout aussi important que l’activité prophétique des femmes, il y avait le service missionnaire du couple. Il faut citer Pierre et sa femme (1 Co 9,5), Aquilas et Prisca (Rm 16, 3-5), Andronicus et Junia (Rm 16, 7). C’est sur Aquilas et Prisca que nous avons le plus de renseignements. On les nomme toujours ensemble, et ils étaient donc bien impliqués activement dans le travail missionnaire. Leur fidélité et leur dévouement ont dù apporter une aide extrêmement précieuse à la mission de Paul pour que celui-ci puisse dire que toutes ( ! ) les communautés pagano-chrétiennes leur doivent de la gratitude (Rm 16, 4). Il les désigne tous deux explicitement comme ses « collaborateurs » (Rm 16, 3). Sur cet arrière-plan, il est encore significatif de constater que Prisca est le plus souvent citée avant son mari. C’est à juste titre que H.-J. Klauck note : « Ce fait n’est certainement pas à comprendre comme simple politesse… Il va au contraire contre les conventions antiques, ce qui indique l’importance particulière de cette femme pour la mission chrétienne. »



  • Gerhard Lohfink (était professeur d’exégèse du Nouveau testament à la faculté de théologie catholique de Tübingen), dans « L’Eglise que voulait Jésus » Cerf éditeur, 1985, pages 104-105)

mercredi 2 juin 2010

100 ans de "Recherche de Science Religieuse"



La revue « Recherches de Science Religieuse » (RSR) célébrait son centenaire le 4 mai dernier à la Maison de l’UNESCO à Paris, autour du thème « Penser la tradition chrétienne aujourd’hui ».


Notre ami Jean Housset était présent et a proposé un compte-rendu à la rédaction de "La Vie Diocèsaine". Il en a confié quelques lignes au Blog CER41:




La sécularisation, la mondialisation de la culture, obligent de plus en plus chaque croyant à penser sa foi, d’autant plus que de nombreux médias (des magasines très lus tels que le « Monde des religions » ou des émissions télévisées telles que « Corpus Christi ») l’exposent à d’innombrables questions auxquelles son catéchisme, - fut-il pour adulte - n’a pas toujours songé à répondre. Ainsi les recherches sur le « Jésus historique » largement diffusées aujourd’hui, ont fait redécouvrir la judaïté de Jésus et ont fourni une vision plus concrète de son ministère pastoral qu’on compare au mode d’exercice actuel du ministère universel de l’Église. Bref, le mur entre les sciences religieuses et le monde religieux ou ecclésial s’est effondré.





Lors de la cérémonie du centenaire, un hommage a été rendu à tous ceux qui ont porté la revue, et notamment à ses derniers directeurs : pendant 29 ans (1968-1997) : Joseph Moingt dont la venue à Blois est annoncée pour une conférence le vendredi 24 septembre à 17 H 30 à la « Maison diocésaine ; ), puis Pierre Gibert et enfin, depuis 2008, Christoph Theobald qui est venu plusieurs fois dans notre diocèse, notamment du 19 au 21 mars denier dans le cadre d’une session régionale de formation.



Jean Housset

mardi 1 juin 2010

Pastorale d'engendrement - autre écho:

  • Christoph Théobald m’a intéressé à bien des égards, mais j’en reste à mes impressions premières qui me permettent de formuler cette trame.

  • Découverte de ce qu’il dénomme foi élémentaire qui est la foi innée en la Vie,
    (c’est à dire, la foi en un devenir possible pour l’homme) qui anime tout être humain, qu’il le perçoive ou non. C’est le « quiconque » pour Théobald, unique en sa personne. et c’est à lui que l’Evangile est destiné .
  • Foi chrétienne, en référence à l’enseignement du Christ (foi paulinienne),
    Une foi au service de la foi élémentaire de l’autre ( le quiconque).
    Une foi d’engendrement, en ce sens que cette foi chrétienne ne se transmet pas… mais se découvre à la faveur du témoignage.
    (Théobald n’établit pas de hiérarchie entre elles… et indifféremment, l’une peut faire découvrir l’autre.)

  • Mais aujourd’hui, il y a problème pour l’Eglise. Le témoignage porté par l’Eglise touche difficilement les hommes de notre temps… globalement, le message chrétien n’est plus visible. En cause, notre « pastoralité » (art du relationnel) qui n’est pas adaptée au Temps présent.
  • Vatican II a bien pris en compte, en son Temps, les besoins de l’Humanité. Référons-nous à « Gaudium et Spes ».
    Jean XXIII avait jugé le « moment favorable » pour proclamer le message chrétien, mais nous sommes entrés dans une « ère nouvelle » dans laquelle la culture des générations présentes ne repose plus sur la culture biblique, le socle judéo-chrétien de référence. Priorité à la réalisation personnelle (le Soi), sans nier, pour autant, l’émergence de nouvelles solidarités, par ex..
  • C’est une véritable révolution culturelle, pour C.Théobald, à laquelle l’Eglise est confrontée.
    Celui-ci nous invite, déjà, à chercher les valeurs cachées qui animent, malgré tout, nos contemporains. Et, en cela, saisir le « moment favorable » pour visiter l’Autre.
    Pour ce faire, le retour aux récits évangéliques est essentiel pour nous mettre en contact avec cette foi élémentaire qui habite tout être humain.


  • C.Théobald s’appuie alors sur deux espérances :

  • - Celle, en une Eglise capable de s’adapter, comme elle a su le faire dans sa
    propre Histoire…un peu oubliée d’elle-même!
    Une crise ecclésiale laisse place à de nouvelles initiatives. C. Théobald les
    suggère. Ainsi peut s’ouvrir une nouvelle pastoralité de l’Engendrement.

  • - Sa confiance mise dans les hommes et les femmes du Temps présent,
    qu’il estime porteurs de valeurs (enfouies ou non) révélatrices d’une aspiration à la Vie.

  • Somme toute, une analyse de la part de Christoph Théobald qui peut relancer
    notre propre espérance.


  • Bernard Moreau