jeudi 22 mars 2012

Entre Jungle et Régiment

Lisant avec quelque voracité le livre de Joseph Moingt : « Croire quand même », je tombe aux pages 65-68 sur un dilemme énoncé par la personne qui questionne notre théologien :  Dans l’Eglise il semble que les fidèles laïcs ne peuvent manifester leurs attentes qu’en étant "jungle" ou "régiment": révoltés ou obéissants
J. Moingt propose les "corps intermédiaires" que sont les petits groupes qui vont grandissant, s’associent à d’autres groupes jusqu’à être une voix à laquelle l’autorité se voit bien obligée de répondre sous peine s’être taxée de rétrograde sinon de sectaire ou de despotique.
Ainsi travaillons-nous à CER 41. Petit groupe qui reçoit, écoute les besoins des chrétiens de ce petit bout de France qu’est le diocèse de Blois..
Les besoins des paroissiens s’expriment souvent en doléances contre l’autorité du clergé. L’autorité ne répond pas parce que la demande, bien que juste, n’a pas assez de volume. Le groupe communique alors sa demande à d’autres groupes, en l’occurrence aux « Réseaux des  Parvis » qui rassemblent en France une cinquantaine d’associations qui questionnent l’Eglise.
Un des résultats récent fut qu'un cardinal qui veut garder sa renommée auprès du peuple et qui courbe l’échine devant la contestation, s’installant sur les lieux illustres de son diocèse : les collines des Saints Pothin et Irénée, lors de la grande assemblée de Parvis en 2010, se voit obligé de faire une réponse qui est reconnaissance de la question posée par ce grand groupe.
Nous sommes passés à l’intermédiaire entre jungle : chacun se rebellant dans son coin, et régiment : chacun mis au pas par les instructions de la hiérarchie.
C’est ainsi que nous travaillons à CER 41, c’est ainsi que l’Eglise évoluera…que dis-je ? évolue !

                                                                                                                           Gilles Lacroix

lundi 19 mars 2012

Évangile et autorité


Qui dit magistère dit équivalemment autorité doctrinale

Évangile et autorité, ces deux mots ne font-ils pas dissonance sinon dans le principe, du moins dans la pratique? Dans l'Église, l'Évangile est évidemment l'autorité suprême qui  requiert une obéissance libre mais inconditionnelle. L'accord sur ce point est facilement acquis.
Mais qui dira, ici et maintenant, ce que l'Évangile exige ou refuse en matière de foi comme dans l'ordre éthique, social ou politique, tout comme ce à quoi il appelle en fait de témoignage ou d'urgence à satisfaire ?
Cette interrogation demeure un point difficile du dialogue oecuménique. L'unité de l'Évangile exige un ministère de I'unité de  la foi qui garde dans  I'unité les disciples du Christ. C'est à ce besoin que répond l'existence d'un  "magistère"
Nous retrouvons le paradoxe déjà évoqué: L'Évangile juge l’Eglise, mais L’Eglise a la mission de discerner avec autorité l’Evangile.
                                                                               Bernard Sesboüé

dimanche 11 mars 2012

L’irréformabilité de l’église catholique


Le terme d’irréformabilité n’existe sans doute pas au dictionnaire, tant nos contemporains sont persuadés que tout, en philosophie comme en politique, est susceptible de progrès, de changement, d’évolution, en un mot, de réforme. Et pourtant…l’Eglise catholique (kata thn olhn ghn) qui a normalement l’ambition de s’étendre à toute la planète Terre, reste terriblement figée, hostile à toute adaptation, parfois même à toute réflexion, ce qui finalement la confine à un nombre restreint d’adeptes, de fidèles qui, passivement, vont jusqu’à s’interdire toute divergence d’idées,  toute forme de recherche même.
Ils sont nombreux ceux qui, cependant, s’y sont tout de même essayé. Tout au long de l’histoire du christianisme, il n’a pas manqué d’hommes courageux, déterminés, pour dire tout haut, sur un mode prophétique, ce qu’un certain nombre pensait tout bas, une critique pertinente de la façon dont une doctrine s’installait, s’affirmait, souvent s’imposait, ou dont une pratique s’instaurait, parfois radicalement opposée aux principes évangéliques énoncés par Jésus. Depuis Ebion au Ier siècle, Montan au IIe, et Arius au IVe, c’est une foule de théologiens, de philosophes, de pasteurs ou simplement de chercheurs, qui se sont fait condamner, parfois conduire au bûcher par charrettes entières, habituellement parce qu’ils avaient agi selon leur conscience. L’hérésie c’est bien souvent un sursaut d’honnêteté, un réflexe de vérité, une lueur d’intelligence. On a brûlé Jeanne d’Arc, mais aussi Savonarole et Giordano Bruno. On a condamné Galilée, Luther, Calvin, mais on a soigneusement mis à l’écart aussi, et plus récemment, Hans Küng, Eugen Drewerman et Jacques Gaillot, pour n’en citer que quelques-uns. On a inventé l’Inquisition, machine à exterminer les Juifs, les Maures, les Cathares, les Albigeois, les Vaudois, les Hussites, les Protestants, les Gueux, les supposées sorcières…Derrière ce « on », c’est toute une hiérarchie qui se cache : une imposante échelle de gens en place, à tous les niveaux, constamment préoccupés de mettre des barrières pour sauvegarder leurs privilèges. La réforme pour eux, il est vrai, ce serait la remise en question, l’insécurité, la porte ouverte à l’incongru, au hasardeux, au péché sous toutes ses formes. On ne peut bien sûr pas l’envisager.
L’Église catholique s’est rendue irréformable d’abord par sa constitution dogmatique. Le dogme catholique est une définition radicale, absolue, permanente et indiscutable. C’est là sa pauvreté, proche bien souvent de la stupidité. La vérité des hommes ne se livre jamais de cette façon, mais par touches progressives, relatives, soumises à la critique, à la recherche et au perfectionnement.  Le dogme entraîne l’anathème. C’est la condamnation morale, mais aussi physique à l’occasion, de quiconque s’attribue le droit de contester. C’est une démarche qui va à l’encontre du processus évangélique. Jésus ne jugeait pas, ne condamnait surtout pas. Il critiquait les lois et contestait les pratiques du Temple. Il prenait en considération ce que chacun avait dans le cœur et l’esprit. La démarche de Jésus était essentiellement personnelle et relative. Son message, accordant la préférence au pauvre et au petit, renversait beaucoup de préjugés. Ce n’est plus, dira-t-il, (Jn 4,21-23) au temple de Jérusalem, ni sur le mont Garizim qu’il faut adorer Yahwé, mais en esprit et en vérité, c’est-à-dire au cœur de chacun.