samedi 15 mai 2010

Qui êtes-vous, Joseph Moingt ?

(Guy de Longeaux se risque à répondre à sa place)

Vous qui êtes du Loir-et-Cher, cela vous intéressera de savoir que je suis né à Salbris. Mais c’est à peine un enracinement : cela date de plus de 90 ans et je n’y suis resté que quelques mois !Il vous importe sans doute davantage de savoir ce qui m’habilite à parler de théologie. La théologie, c’est toute ma vie « professionnelle » si je puis dire. Je l’ai enseignée pendant plus de 30 ans.

Cela a commencé au scolasticat des Jésuites à Lyon-Fourvière au début des années 1960. Cet enseignement, à l’époque, concernait uniquement la tradition de l’Eglise et l’histoire du dogme, c’est-à-dire les affirmations de la foi catholique vues de l’intérieur et sans se préoccuper des questions du monde. Cela m’a donné l’occasion d’étudier avec minutie, avec ferveur aussi, non seulement les actes des conciles « christologiques », mais plus encore tous les textes de Pères de l’Eglise et écrivains ecclésiastiques, grecs et latins, qui avaient élaboré la doctrine et combattu les « hérétiques », du II° au VII° siècle, et également les auteurs « scolastiques », en particulier Thomas d’Aquin (XIII° siècle) et au-delà !

Puis, à partir de 1968, j’ai enseigné à Paris : d’abord à l’Institut catholique, dans le cycle de théologie de formation des laïcs, puis aux Facultés jésuites du Centre Sèvres. Ces changements me firent faire toute une évolution, dans le sillage aussi de Vatican II. J’ai complètement réorienté mon enseignement en fonction des progrès de l’exégèse, et des questions philosophiques contemporaines. Je fus aidé en cela par la charge qu’on m’avait confiée de directeur de la revue Recherches de science religieuse et par les nombreux contacts pastoraux et militants que j’avais autour de Paris et en France.

La christologie moderne soulève une grande question : elle constate un écart entre ce que nous apprend l’histoire moderne, sur la personne de Jésus et la prédication des apôtres, et, par ailleurs, le dogme de l’Eglise, tel qu’il a été déduit de cette histoire. Il fallait alors reprendre par son fondement tout l’exposé de la foi au Christ en tenant compte de la rationalité critique de notre temps. Ce fut, pour moi, une tâche ardue, me mettant en cause dans mes propres convictions.

J’ai mis 12 ans à écrire un premier livre en 1993, L’homme qui venait de Dieu, pensant synthétiser les résultats de ma recherche. Mais je me suis aperçu que je soulevais encore beaucoup de questions ; et j’ai donc écrit ensuite les 3 volumes intitulés Dieu qui vient à l’homme. Certains disent qu’il s’agit d’une somme théologique, mais je ne suis pas aussi prétentieux.

Ce qui me tenaille, c’est ce déclin inéluctable de l’Eglise auquel on assiste, et d’en chercher les remèdes. Il s’agit de rétablir sa communication avec le monde. Et j’ai acquis la conviction que cela ne va pas sans une profonde mutation de l’Eglise pour l’appuyer sur sa base laïque, ce à quoi s’oppose la théologie du sacerdoce, qui serait donc à réviser fondamentalement. Il ne s’agit pas d’évacuer la tradition, mais de reprendre sa démarche en réinventant différemment, pour notre époque, ce qu’elle a élaboré depuis les origines en fonction de la culture de chaque époque. Rien n’est à mépriser dans la tradition et les anciens conciles. Mais tout est à relire à neuf dans une situation nouvelle.

Mais arrêtons là ; je ne vais pas vous développer mon discours qui s’étend sur près de 3.000 pages dans mes livres !

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