jeudi 7 octobre 2010

Résumé de la conférence de Joseph Moingt

Conférence prononcée le 24 septembre 2010 à la Maison diocésaine de Blois
Annonce de l’évangile et structures d’église [1]

Témoigner de l’Evangile.
Face au déclin de l’influence de l’Eglise, la question n’est pas : comment retrouver cette influence perdue ? Mais : comment remplir sa mission en fonction de la nouveauté de la situation actuelle. Car l’Eglise existe pour les autres, pas pour elle-même. Sa mission, c’est d’annoncer l’Evangile qui est d’abord un message d’espérance et d’humanisation du monde. Tel est le sens du « royaume de Dieu » que Jésus annonçait sans parler de préceptes religieux à observer.

Pour la suite, après lui, Jésus s’en remettait à l’Esprit-Saint, dont l’inspiration a abouti à la fondation de l’Eglise. « Et l’Eglise se répand dans le monde païen en ferment d’une société ouverte qui abolit les cloisonnements et les exclusivismes des sociétés patriarcales ». Ainsi se fait l’annonce de l’Evangile : non par des formules ou des prescriptions, mais par des actes de fraternité, des messages d’espérance, qui sont toujours à réinventer en fonction de l’état du monde à discerner dans « les signes des temps » comme Jésus nous y exhorte (cf. Mt 16,3).


Parler aux hommes de notre temps.
Au point où nous en sommes aujourd’hui, un fossé d’incompréhension s’est creusé entre l’Eglise et le monde, car l’Eglise a voulu pendant longtemps freiner le grand mouvement historique d’émancipation de l’individu et de la société par rapport à sa tutelle, alors même que cette émancipation résulte de la libération apportée par l’Evangile. Cela se traduit par un retrait de la religion de la société, qui n’est pas une crise passagère mais le signe de l’entrée dans un âge nouveau. Cela impose à l’Eglise une position missionnaire tout à fait nouvelle.

Un homme devenu a-religieux, parce que devenu majeur, et ne se dirigeant plus que selon sa conscience, n’entendra plus un langage religieux fait de préceptes, d’observances et de règles morales. S’il cherche à accomplir son humanité en pleine responsabilité et à aimer son prochain, il correspond au projet créateur ; et donc « nous ne devons pas penser que ce monde sorti de religion est sorti des voies du salut ». Néanmoins il est nécessaire de porter l’évangile au monde « pour travailler avec tous les hommes de bonne volonté à l’accomplissement du projet créateur, qui est de conduire l’homme à la plénitude de son humanité ».


Envoyer les fidèles à la mission.
La mission évangélique est une charge commune à toute l’Eglise, évêques, prêtres et fidèles. Dans les premiers temps de l’Eglise, tous se sentaient solidairement responsables d’annoncer l’Evangile sous la conduite des apôtres et en bénéficiant tous des dons de l’Esprit. Cela a été rappelé par Vatican II comme une réalité toujours à la disposition de l’Eglise.
C’est seulement au début du III° siècle que l’Eglise s’est centrée sur le pouvoir sacré et sur la distinction entre les clercs et les laïcs, ceux-ci n’ayant plus droit à la parole. A notre époque, où les prêtres sont si peu nombreux et où la plupart des gens ne fréquentent plus les églises, « il faut chercher d’autres moyens que la voix officielle de l’Eglise hiérarchique pour se faire entendre du monde ». La charge de l’Evangile, comprise comme une transformation du monde selon l’esprit du Christ, devient davantage l’affaire des laïcs chrétiens qui vivent quotidiennement au milieu de ce monde sécularisé.
Annoncer l’Evangile sans l’arrière-pensée de faire revenir des incroyants dans un cadre religieux, cela correspond à la façon de faire de Jésus : son Evangile est « une école de vie, source d’humanisme, non un code religieux » et la religion n’est pas, dans son esprit, la seule voie assurée de salut.


Des communautés missionnaires.
Si la mission évangélique ne fonctionne plus sous sa forme hiérarchique, elle devra se faire, comme au début de l’Eglise à partir de communautés missionnaires.
Quel sera leur rôle ? « S’organiser en vue principalement d’un partage d’Evangile et non d’une célébration religieuse, orienter ce partage vers les problèmes qui se posent dans l’espace environnant, … prendre en charge cet environnement social, avec ses souffrances et ses besoins ». Et elles se joindront pour cela aux activités existantes, ou à susciter, tout en étant connues comme groupes d‘Eglise. St Paul considérait que les communautés locales, unies comme les parties d’un même corps, représentaient, chacune, l’unique Eglise.


Changer les structures de l’Eglise.
« L’Eglise s’est bâtie depuis les siècles les plus lointains sur le seul principe d’autorité... Si donc il s’agit de faire de la place à la liberté des laïcs, ce … ne se fera pas sans que certains pouvoirs leur soient reconnus… »
Aujourd’hui, parce qu’on en reste à une notion de paroisse répondant aux besoins d’un territoire autour d’un prêtre, devant la raréfaction des vocations, on regroupe des paroisses sur des territoires de plus en plus étendus « avec la conséquence qu’il n’y a plus de communautés chrétiennes dans les communes rurales et dans maints quartiers urbains. La réorganisation en vue de la mission exigera … le renversement de ce mouvement dont la finalité est purement cultuelle : on ne demandera plus aux fidèles de se rassembler là où il y a des prêtres, on les laissera se réunir au plus près du territoire dont ils prendront la charge évangélique ».
Dans un esprit de liberté selon l’Evangile, l’évêque laissera ces communautés s’organiser elles-mêmes sous un mode démocratique, tout en les contrôlant discrètement dans le respect de leur autonomie. Et « puisqu’il n’y a pas de communauté chrétienne sans vie sacramentelle et eucharistique, il habilitera leurs dirigeants à y pourvoir ». Les prêtres redevenant alors disponibles, il les enverra aux communautés pour leur formation et leur animation spirituelle.
A l’échelon diocésain on peut imaginer des instances de débat et de contrôle composées d’hommes et de femmes élus démocratiquement et participant au pouvoir de décision. A un échelon plus élevé, on sollicitera les évêques pour organiser une représentation nationale du laïcat en vue du service de la société dans la mise en pratique de l’Evangile.

Les conditions de possibilité de tels changements.
Le P. Moingt ne fait qu’esquisser le sujet, ne se reconnaissant pas compétent pour parler des aspects organisationnels, juridiques, etc., à mettre en œuvre.
Aucun responsable diocésain n’osera prendre de telles décisions sans le consensus des autres évêques et sans celui de la papauté, celle-ci s’érigeant en seul juge suprême, selon la conception séculaire établie depuis la réforme grégorienne au XI° siècle. Elle ne prendra pas l’initiative de ces changements. Il lui faudrait se déjuger sur trop de points capitaux pour miser sur l’Evangile et non sur la religion. On pratiquera une pastorale du changement à petits pas. Ce sera, pour commencer, former une communauté, même réduite, là où il y a un lieu de vie. Cela se fait déjà ici ou là : des laïcs prenant la responsabilité d’un lieu sans rompre avec la paroisse. La prière et le partage d’Evangile en cette communauté tiendront lieu, un jour, de culte dominical, tout en participant aussi aux messes du secteur. Et surtout la communauté aura un profil missionnaire, en discernant les problèmes humains à prendre en charge. Puis, une telle communauté ayant acquis suffisamment d’expérience, elle se préoccupera d’essaimer, en liaison avec les responsables du secteur paroissial concerné.
« Cette évolution ne se fera pas sans heurts, sans bousculer les us et coutumes ». Mais « il ne faut pas fuir les affrontements quand on y est poussé par un esprit évangélique dûment discerné en commun », comme le dit St Paul dans la 1ère épitre aux Corinthiens (cf. ch. 11). Mais en fait ces avancées pourront se faire plus facilement qu’on ne pense, car de nombreux chrétiens partagent en gros le même esprit et nombre de prêtres et d’évêques « ne seront pas mécontents d’être un peu bousculés par leurs fidèles ». Avec une telle promotion du laïcat, le christianisme se présentera sous un jour nouveau et trouvera une vitalité nouvelle au cœur du monde. « Rêverie, crédulité aveugle, ou optimisme béat ? Rien d’autre qu’une tremblante espérance ».

[1] On peut se procurer le DVD de l’intégralité de la conférence auprès de J.P. Lemaire, email : http://www.gabriel41.info/ - Par ailleurs, le texte en PDF peut être obtenu auprès de Jean Housset: jean.housset@wanadoo.fr

Guy de Longeaux (les citations sont tirées du texte même de la conférence du P. Moingt)

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