jeudi 9 décembre 2010

Lettre à nos frères prêtres ayant quitté le ministère.

  • Amis, je vous ai vus nombreux aux journées des « Réseaux des Parvis » : anciens d’Echanges et Dialogue », membres de l’APRS (Association pour une retraite convenable), tous engagés de longue date dans le questionnement sur l’Eglise.
    Si la parole m’avait été donnée, voici ce que je vous aurais dit.

    Selon notre théologie, trois sacrements sont indélébiles : le baptême, la confirmation et l’ordre. Nous avons reçu le sacrement de l’ordre, et il nous a été répété en latin comme en toutes les langues : « Tu es prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisedech ».
    Nous sommes donc prêtres et nous restons prêtres, quelle que décision que prenne la hiérarchie : on n’efface pas l’indélébile. Nous sommes aussi au milieu du monde, restés célibataires, mariés, veufs ou divorcés.
    Nous avons pour ainsi dire un pied dans les deux camps.
    Nous avons aussi acquis, par notre formation théologique, nos années dans le ministère, une compétence théologique et sociologique pour ne pas dire « pastorale ».
    Notre choix de distanciation d’avec l’Institution nous a permis de juger avec discernement ce qu’est cette institution.
    Nous y avions eu le pouvoir, basé sur notre savoir et sur le système établi qui nous instituait « pont entre Dieu et les hommes ». Ayant quitté le système, nous pouvons porter un jugement plus objectif sur lui.
    Grâce à la distance prise, nous pouvons parler autour de nous et agir.
    La théologie, revisitée par l’histoire et l’exégèse, nous apprend ce qu’a été dans les débuts, l’Ecclesia, comment elle s’est instituée, comment elle a évolué.
    L’étude de l’Evangile nous révèle qui est Jésus et ce qu’il a souhaité lancer au delà de son existence terrestre : « …et inclinant la tête, il livra, transmit (paredoken) l’Esprit. L’Eglise d’aujourd’hui : une hiérarchie romaine devant laquelle tout doit plier, n’est pas ce qu’il pouvait souhaiter.
    Il nous appartient maintenant, utilisant le langage même de l’institution, de rappeler que nous sommes prêtres selon sa théologie, puis, avec le langage de la théologie revivifiée par le concile Vatican II, de rappeler que tout baptisé est « prêtre, prophète et roi ».
    Mélés au peuple de Dieu, nous pouvons tenir les deux langages et ramener ainsi les chrétiens à la réalité des origines.
    Le clergé, constitué vers les IVème- Vème siècle, s’est peu à peu attribué des pouvoirs et se les ait réservés : eucharistie et pardon des péchés. Par cette appropriation il fait croire au peuple chrétien qu’il faut passer par lui, clergé, et pour célébrer le partage eucharistique et pour obtenir le pardon des péchés.
    Au dernier repas , la pâque, que Jésus a pris avec ses disciples et la famille qui l’avait accueilli, c’est à tous ces gens : hommes femmes, enfants qu’il demande : « faites ceci, ce partage, en mémoire de moi ».
    Si de présence il s’agit, Jésus n’a-t-il pas dit, plusieurs fois : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux », et aussi : » Ce que vous faites au plus petit des miens, c’est à moi que vous le faites » ?
    Quant au pardon des péchés, c’est en les reconnaissant mutuellement devant l’un ou l’autre de nos frères que nous savons qu’ils nous sont pardonnés. St Jacques, dans son épître, 5/16 n’écrit-il pas : « confessez vos péchés les uns aux autres ». Pour l’aide à apporter aux malades, il écrit 5/13: « appelez l’ancien ». pour la confession des péchés, il ne dit pas d’appeler l’ancien mais simplement un frère, un autre.
    Au soir de la Résurrection, c’est aux « disciples » (matêthais : Jo.20/20-23) qu’il envoie l’Esprit et dit de remettre les péchés.
    A ce sujet, on peut se demander pourquoi le prêtre s’adjuge le « je te pardonne ». Ne devrait-il pas dire : « Dieu te pardonne », mieux : « Dieu t’a déjà pardonné, avant même ta faute il te pardonnait. Il suffit que tu reconnaisses ta faute ».
    De nos jours, l’institution manque de prêtres ; elle imagine mille façons d’y suppléer : faire venir des prêtres d’autres continents, soudoyer des pasteurs à l’Eglise anglicane, ce qui ne réussit guère, ordonner des gens malgré leur inaptitude avérée par la psychiatrie, rameuter des pères de famille qui tombent dans le bouillon de la suffisance ecclésiastique.
    Des évêques proposent la constitution d’Equipes d’Animation pastorales : EAP. Ces équipes seront formées de gens qui prendront en charge pour un temps un village, un quartier pour que la vie de l’Evangile n’y meure pas, puis, que par eux, elle renaisse. Mais, pour le moment, l’autorité refuse que ces chrétiens assemblés partagent l'Eucharistie.
    Qu’est ce qui empêche que l’Eucharistie se fasse, se vive ? Juste l’interdit de l’autorité vaticane. Et de quel droit cette autorité va-t-elle à l’encontre de la proposition de l’Initiateur, Jésus, lors de son dernier repas pascal ?
    En vertu des pouvoirs du baptême de chaque chrétien, en vertu des pouvoirs du sacerdoce que nous gardons « in aeternum, secundum ordinem Melchisedech », qui est-ce qui nous empêche de célébrer en temps que baptisés, et, plus encore, si l’institution renâcle, en tant que « prêtres » selon cette même institution ?
    On objecte le risque du schisme ; alors, que l’institution l’évite en reconnaissant la validité de ce que nous faisons ; qu’elle institue elle-même de telles communautés qui, reconnues, ne risqueront pas d’être considérées comme hors de l’Eglise de Jésus le Christ.
    Dans la contestation où nous sommes, prêtres, c’est à nous de lancer de telles communautés chrétiennes. A l’institution qui réagira, c’est à nous de répondre : en quoi allons-nous à l’encontre de Jésus, l’initiateur de l’Ecclesia ? En quoi agissons-nous différemment de l’Eglise des débuts ? « Si eux, pourquoi pas nous ? »
    Plutôt que de faire venir des prêtres d’ailleurs, que l’on enlève à leur Eglise, qui sont souvent perdus dans nos civilisations, qui sont inaudibles dans leurs prédications, qui ne sont ici finalement que pour « dire » des messes, incapables qu’ils sont d’entendre des confessions, d’orienter des pénitents, lançons ces petites communautés.
    Le Vatican fulminera tous ses interdits…à quoi nous répondrons : expliquez-nous au nom de quel Evangile vous intervenez.
  • Gilles Lacroix - Mont près Chambord 04.12.2010.

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