dimanche 9 mars 2014

CHERCHEZ… ET VOUS TROUVEREZ (MT7,7)


Nous savons qu’à l’aube de l’humanité, l’homme très vite se pose des questions par rapport aux forces naturelles qu’il ne peut contrôler. Il croit qu’il y a une force secrète derrière chaque chose qui est bienveillante quand elle donne et malveillante quand elle prend. Cette force secrète, il va l’appeler dieu, le dieu de l’eau, le dieu de la terre… Mais ce dieu peut être la pire des choses quand il envoie une tornade ou un incendie et la meilleure des choses quand il envoie une pluie fertilisante ou un feu qui réchauffe. Il faut donc s’attacher les dieux pour qu’ils soient favorables aux hommes. Pour cela, il faut les connaître, les nommer, les situer et donc leur donner une histoire et un lieu de vie. La plupart de ces forces naturelles viennent des cieux, qui sont inaccessibles à l’homme, c’est donc là qu’habitent les dieux, pense-t-il. Quand à leur histoire, il s’inspirera tout simplement de sa propre histoire pour écrire celle des dieux. C’est ainsi que l’homme donne aux dieux ses qualités et ses défauts, mais à la super puissance. A ceux-ci rien n’est impossible, ni dans le don, ni dans la vengeance. Il faut donc vivre en harmonie avec eux, et pour cela, il vaut mieux ne pas attendre leur intervention, mais infléchir leur volonté. C’est ainsi que l’homme créera des rites pour parler aux dieux et des sanctuaires pour officier. Il invente les incantations et les prières, les sacrifices allant de l’offrande du végétal, en passant par le sacrifice animal pour arriver au sacrifice humain. C’est que le dieu finira toujours par répondre en envoyant enfin la pluie, la paix… tout finit toujours par arriver, mais parfois cela dure et c’est pourquoi l’homme donnera chaque fois aux dieux quelque chose qui lui est de plus en plus cher jusqu’au moment où il sera exaucé.
Le judaïsme à travers le personnage d’Abraham choisira de donner sa confiance à un seul Dieu, créateur de toutes les forces naturelles. Il découvrira qu’il ne peut aimer un dieu sanguinaire qui demande des sacrifices humains et nous donnera l’image d’un dieu qui veut la vie et non la mort. Quel grand tournant pour l’histoire de l’humanité ! Plus tard encore, Jésus par son enseignement induira l’idée à ceux qui deviendront chrétiens après sa mort, d’abolir les sacrifices d’animaux. Nouveau pas en avant dans la civilisation !
Pour nous chrétiens, il nous reste donc la prière, les rites, les sanctuaires et sans doute pour nombre d’entre-nous l’héritage d’une façon de penser et d’agir comme nos lointains ancêtres. C’est-à-dire demander tout à Dieu et prier sans cesse pour obtenir ce que l’on désire, en utilisant des enchères. Non plus des sacrifices d’animaux ou d’humains, mais des mortifications, des privations, des offrandes de bougies, des pèlerinages, des recherches d’indulgences… en allant même jusqu’à payer des congrégations priantes afin d’avoir une valeur ajoutée à nos demandes.
Mais qui est ce Dieu que l’homme prie aujourd’hui ?

Comme le disait souvent André Verheyen " la bible nous impose de ne pas faire d’images de notre Dieu, et pourtant la même bible n’arrête pas d’en faire." Oui, nous ne savons rien de Dieu et plus nous avançons en âge, moins nous en savons. Cependant tout au long du Livre, des hommes nous parlent de leurs expériences de Dieu et ne peuvent l’exprimer que par des images. C’est ainsi qu’Abraham nous fait découvrir un Dieu qui refuse les sacrifices humains, qu’à travers Joseph nous trouvons un Dieu qui demande le pardon plutôt que la vengeance, que Moïse nous montre un Dieu se préoccupant des plus faibles au lieu d’accréditer les puissants, qu’avec Amos nous découvrons un Dieu qui veut une justice sociale… pour arriver enfin à Jésus qui nous montre un Dieu Père, un Dieu d’Amour.
Toutes ces perceptions de Dieu qui ont évolué tout au long des siècles sont évidemment conditionnées par le lieu de vie et la culture de l’époque. Elles devront donc nécessairement encore évoluer avec les futures découvertes. C’est ainsi que nous savons aujourd’hui que le Dieu de Jésus qui est aux cieux, ne peut effectivement habiter là-haut. Et, si nous prenons "les cieux" au sens symbolique aujourd’hui, ce n’est certainement pas ce sens là que Jésus lui donnait.
Aujourd’hui de nombreux théologiens, comme de nombreux hommes de la rue ont plutôt l’intuition d’un Dieu intérieur à l’homme. C’est aussi mon sentiment, mais humainement, j’aime aussi comparer l’attitude de Dieu à une mère et un père de famille qui viennent de mettre un enfant au monde. Le tenant dans leurs bras, les parents ne peuvent que lui souhaiter tout ce qu’il y a de meilleur : une vie harmonieuse sans problèmes relationnels, médicaux, ou sociaux. Pour cela, tout au long de sa vie, ils vont donner à l’enfant chéri des conseils, des règles à suivre, des attitudes à prendre. L’enfant, lui en définitive écoutera ou n’écoutera pas, fera son propre bonheur ou son propre malheur. Les parents ne pourront que resplendir du bonheur de leur enfant ou souffrir intensément de leur impuissance devant son malheur. Le plus beau cadeau que l’enfant a reçu, sa liberté, sera pour lui la meilleure ou la pire des choses. En cas de malheur, bien sûr il pourra revenir au bercail pour demander de l’aide à ses parents, mais ceux-ci ne pourront que l’accueillir, l’écouter, lui redonner leurs conseils, mais ils ne pourront jamais faire son bonheur à sa place. Ils ont donné la vie, la liberté mais restent impuissants face à l’accomplissement de cette vie.
C’est ainsi que je vois ma relation à Dieu dans la prière, il ne peut rien faire à ma place, mais je peux être éclairée par son Esprit. Je ne peux attendre que cela : l’éclairage pour vivre selon l’Esprit qui pour moi nous fut révélé par Jésus. J’ai choisi librement de suivre le chemin d’amour, que me montre Jésus, comme but de ma vie. Mes prières, que je préfère appeler méditations sont donc aussi souvent des prises de consciences des écarts qui m’éloignent de l’Amour, mais aussi des recherches de paroles bibliques qui me donneront un nouvel éclairage, des clés pour avancer mieux, des louanges pour les actes d’amour de l’humanité. J’ai cessé toute prière de demande.
En effet, je ne peux que constater que pour des choses essentielles, comme l’enfance violée, la maltraitance, la famine, la pauvreté, la guerre… Dieu n’intervient pas. C’est l’homme qui viole, qui maltraite, qui ne partage pas, qui attaque… …et c’est encore l’homme qui doit changer de comportement. L’homme ne peut que méditer, réfléchir afin de se mettre en condition de choix et de se décider à suivre l’Esprit dans la clarté, plutôt que de suivre le mal dans sa sombre attraction.
Dans notre éducation religieuse, on s’appuyait toujours sur les extraits de Mt7, 7-11 ou de Lc 11, 5-13a pour nous convaincre que " notre Père qui est dans les cieux donnera de bonnes choses à celui qui les demande, que tout homme qui demande reçoit. " On ne nous parlait pas des deux versets Mt 7, 12 ou Lc 11, 13b qui en conclusion de chapitre nous disait chez Mathieu " Faites pour les autres ce que vous voulez qu’ils fassent pour vous : c’est là ce qu’ordonnent la loi de Moïse et les livres des prophètes " et chez Luc "Le Père qui est au ciel donnera le St Esprit à ceux qui le demandent. " Ce n’est que dans les années 80 que j’ai entendu dire publiquement lors d’une homélie que les textes sont toujours commentés en omettant les finales, mais que c’est cette finale qui est importante. Ce que nous recevons : c’est uniquement l’Esprit et le reste, c’est le comportement que nous devons avoir envers notre prochain. C’est nous qui devons ouvrir la porte, accueillir, écouter, donner et pour arriver à cela nous avons besoin de vivre de l’Esprit.
Je ne peux que constater que face aux forces naturelles, comme les tsunamis, les ouragans, les éruptions volcaniques… Dieu n’intervient pas. C’est l’évolution de la planète, et parfois la main de l’homme qui contrecarre la nature. La prière ne peut modifier l’ordre de la création mais la méditation peut décider l’homme à suivre l’Esprit dans sa solidarité plutôt que de suivre l’égoïsme dans son noir dessein.
Je ne peux que constater que face à la maladie, à la mort, Dieu n’intervient pas. Ce serait tout à fait injuste d’empêcher celui-ci de mourir et pas celui-là, de guérir celui-ci et pas celui-là. De faire naître celui-ci en bonne santé et celui-là handicapé. La prière ne pourra modifier les évènements de la vie mais la méditation peut apaiser l’homme dans la confiance qu’il mettra à accepter d’être porté dans la douleur par les autres ou le décider peut-être de suivre à son tour l’Esprit dans sa tendresse et son réconfort plutôt que de vivre dans l’indifférence.
Je ne peux que constater qu’il est très difficile de dire Merci pour tous les bonheurs que l’on reçoit, alors que dans le même moment, des familles vivent l’horreur. Si le Dieu de Jésus est un père aimant, comme cela doit lui faire mal de voir ses enfants, les uns ayant tout, les autres n’ayant rien. Mais par la méditation l’homme peut prendre conscience que l’autre est son frère et que vivre de l’Esprit du Royaume doit commencer par sa renaissance à une autre vision de Dieu. Alors, il ne dira plus merci pour sa chance, mais merci d’avoir de quoi partager.
En fait, je crois qu’on ne peut aimer Dieu que dans une prière-méditation qui est action. Seules nos actions pour mettre l’autre debout, comme Jésus n’a pas cessé de nous le montrer, sont les plus belles des prières et peuvent être agréable à Dieu me semble-t-il. Bien sûr, cette façon de fonctionner est très, très inconfortable. Comme l’enfant devra prendre son envol, quitter le nid pour VIVRE, il nous faut quitter cette idée sécurisante que Dieu tire les ficelles du monde et que l’on puisse l’influencer par nos prières. Pourtant, il n’y a que de cette façon que nous pouvons DEVENIR ce qu’il espère pour nous quand il dit : " Fils d’homme, mets-toi debout ! " (Ez 2,1)
Notre vocation ne serait-elle pas de devenir autonome ?
ChristianeVan den Meersschaut
(Libre pensée chrétienne)

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