Point de vue de l'écrivain Jean Lavoué paru dans Ouest-France,
à propos du documentaire du réalisateur québécois Guillaume
Tremblay « L’heureux naufrage » : une réflexion sur
l'effondrement brutal du système religieux catholique qui avait façonné son
pays au fil des siècles.(Extraits)
"C'est avec ce
vide laissé par le reflux des croyances que doit aujourd'hui composer la
population des pays de tradition catholique. Selon Guillaume Tremblay, ce vide,
beaucoup l'apprivoisent :
"Ils en font du
neuf ! Souvent, ils se réapproprient même des valeurs qui avaient été
brouillées du fait de leur annexion par un système institutionnel et dogmatique
dont ils ne veulent plus.
"Il semble qu'en
portant à sa tête le pape François, l'Église catholique ait pris la mesure de
ce rejet farouche dont elle était l'objet. Après l'élan donné par Vatican II,
une longue période de fermeture à la modernité a entraîné un exode sans
précédent de fidèles.
"Ceux-ci
n'ont plus reconnu dans les options de l'Église le souffle d'ouverture au monde
qu'avait été pour eux le Concile. Dès lors, ils ne se
sont plus guère intéressés à elle. Ils ont, avant tout, cherché à mettre leur
énergie et leurs convictions personnelles au service d'une humanité en chemin.
"En se portant
aux périphéries, en invitant les chrétiens à ouvrir les églises dans lesquelles
Jésus lui-même, affirme-t-il, se trouve enfermé, frappant de l'intérieur pour
qu'on lui ouvre la porte, François ne fait rien d'autre que rejoindre
l'intuition de beaucoup : l'Évangile se
joue et se jouera désormais à hauteur d'homme, sans le recours aux murs et aux
rigidités qui ont figé le souffle de son message.
"Beaucoup de ceux
qui, en la quittant, ont assumé ce naufrage se reconnaissent dans la liberté de
ton et l'audace de ce pape. Cependant, même s'ils se sentent réconfortés d'être
ainsi accompagnés par cette parole prophétique et courageuse, ce n'est pas pour
autant qu'ils ont le désir de revenir vers l'Église.
« L'Évangile libéré
des dogmes »
"Le message
énoncé par François résonne trop avec leur propre itinéraire d'exode. Aux
périphéries du monde, solidaires d'une humanité en marche, ils veulent être
porteurs des valeurs de liberté et d'Évangile que l'heureux naufrage de
l'institution leur a permis de retrouver comme un trésor caché.
"Au lendemain de la Révolution française,
un prêtre breton, Félicité de Lamennais, avait déjà assumé seul un tel
itinéraire qui le conduisit des convictions les plus romaines jusqu'à cet
humanisme évangélique libéré des dogmes. Abandonné par ses anciens
coreligionnaires, il devint l'ami des pauvres, des exclus, des abandonnés, des
sans-voix...
"Apprivoiser
son vide, n'est-ce pas ainsi aujourd'hui, pour beaucoup, non pas d'abord rêver
d'une Église enfin plus ouverte, même s'ils ne boudent pas leur plaisir de la
voir évoluer ainsi... mais plutôt vivre, au plus près de leur inspiration
humaine, certaines des valeurs évangéliques dont ils retrouvent ainsi la
saveur, délivrée de la gangue d'amertume qui l'altérait."
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